Son développement a été considérable au 19ème et au 20ème siècle, Arcachon en est le témoin, mais la villa existait depuis longtemps. Chez les Romains, la « villa » est d’abord une ferme importante qui comporte une partie résidentielle souvent luxueuse, réservée au maître, à sa famille, et des bâtiments plus simples liés à l’exploitation agricole et au logement du personnel. La « villa » est complémentaire de la « domus », la maison de ville, car elle permet d’échapper aux nombreuses nuisances de la ville : émeutes, épidémies, odeurs, stress, promiscuité . . . Elle est donc l’autre aspect du dynamisme de la société romaine. Il existait aussi, nettement moins nombreuses, des villas sans fonction agricole, en particulier sur la côte face à la mer, celles des environs de Pompéi entre autres. En Gaule, les villas gallo-romaines étaient nombreuses, les fouilles pratiquées ont quelquefois révélé de belles mosaïques comme à Plassac où une superbe villa dominait la Gironde. Elles se sont transformées en villages, puis éventuellement en villes, souvent en incorporant dans leur nom le mot ville ou ses équivalents : viala, villier, villar … La villa s’est bien développée en Italie à la Renaissance, une période florissante et très créative, la villa italienne d’inspiration classique constituant un des modèles les plus utilisés par la suite.

Au 19ème siècle, la mode des cures thermales et des bains de mer, ajoutée à d’autres causes comme le développement de la bourgeoisie, va provoquer un engouement pour la villa. Le phénomène a été bien étudié et a fait l’objet de nombreuses publications qui ont défini la villa. C’est d’abord une résidence unifamiliale à l’architecture recherchée et située en dehors de la ville. Elle s’oppose au monde minéral et urbain par son insertion harmonieuse dans le paysage grâce au jardin. C’est un lieu plus intime, où les règles sont différentes, plus décontractées et où les invités sont des amis. Elle doit donc être belle et accueillante.

La villa repose sur un imaginaire d’évasion, quelquefois dans le temps ou dans l’espace en puisant dans des architectures caractéristiques d’autres époques ou d’autres régions. Elle repose toujours sur une idéalisation de la nature où son propriétaire vient se ressourcer. Elle est conçue pour vivre au milieu de cette nature et ses pièces se prolongent dans le jardin grâce à des espaces intermédiaires qui vont varier selon les styles : baie vitrée, bow-window, véranda, galerie, balcon, terrasse, … mais cette fonction est toujours présente. Lorsque c’est possible, la vue sur l’horizon, en particulier la mer, souvent favorisée par la présence d’un belvédère, va inciter à la contemplation, la méditation, permettant d’évacuer le stress de la vie urbaine. Ne nous trompons pas, elle est confortable. Sous une apparence souvent traditionnelle, quelquefois rustique, donc rassurante et reposante, elle intègre presque toujours l’évolution des techniques et modes de vie de l’époque.

La villa a aussi un rôle de représentation, elle est à l’image de son propriétaire, enfin de celle qu’il veut donner. Elle doit être le reflet de son statut social, sa personnalité, sa culture, ses goûts, d’autant plus qu’une compétition amicale va opposer les voisins, amis et autres relations. Cela peut la rendre démesurée ou extravagante et on la baptisait alors folie à la Belle Epoque.

Le style et les techniques d’une villa en disent beaucoup sur celui qui l’a fait construire : dans la dernière décennie du 19ème siècle ont été construites à Arcachon de nombreuses villas pittoresques d’inspiration médiévale, la bourgeoisie triomphante se plaçant dans la lignée des grandes corporations du Moyen Age. A la même époque, certains voudront aussi afficher une image de modernisme avec des constructions telles que Hamlet, la villa métallique, ou Les Ruines, villa construite avec un matériau nouveau, le ciment armé.

Belle insertion dans le jardin : Jac-Gui, boulevard Deganne
Belle insertion dans le jardin : Jac-Gui, boulevard Deganne
Peut-on résister à la contemplation d'un tel paysage ?
Hamlet-2010 mini
Les Ruines, avenue Victoria en 2006

De même entre 1925 et 1930 vont être construites au Moulleau, la villa Saint Gilles, très colorée, qui aurait pu, en apparence, être bâtie cinquante ans avant en Ville d’Hiver mais aussi Kypris, villa Art Déco toute blanche, encore trop moderne de nos jours pour certains, et due à l’Arcachonnais Roger-Henri EXPERT, l’un des plus grands architectes français de l’époque.

Saint Gilles et son style Pittoresque
Kypris
Kypris, le classicisme du très bel Art Déco

Des statues antiques décorant un pavillon noble, tel Miramar, peuvent montrer un goût pour la culture classique mais aussi, parce qu’elles évoquent Versailles, une opinion royaliste. A l’opposé, la sculpture reprenant une des figures du Départ des Volontaires de Rude, figurant sur Alexandre Dumas, montre certainement le sentiment républicain de celui qui l’a fait construire, le financier Osiris.

Miramar, quai du patrimoine
Miramar et ses statues

De nombreux autres éléments seront significatifs : le nom de la villa et la façon dont il est écrit ou accompagné d’un dessin, la tourelle médiévale, l’épi de faîtage, le porche, la beauté et l’originalité d’un jardin, les jeux de lumière ou de couleur sur la façade, une gloriette, le portail, . . . ils peuvent valoriser l’image du maître des lieux. De nombreux éléments ont souvent été ajoutés ou modifiés par les propriétaires successifs, il est normal et souhaitable qu’ils s’approprient leur villa en la modernisant, la modifiant s’ils respectent le projet global de l’édifice et sa qualité. La fantaisie, la diversité, les allusions culturelles y sont d’ailleurs appréciées alors qu’elles le seraient moins en ville.

Sauf cas particulier, le style de la villa est libre et repose sur l’éclectisme mais le choix d’un style ne signifie pas qu’on peut impunément les mélanger. Le conseil d’un bon architecte est recommandé pour éviter les grosses fautes de goût qui peuvent dévaloriser une villa,. Attention surtout à l’image peu accueillante donnée par des clôtures trop opaques et des portails pleins ne laissant pas passer le regard et montrant une volonté de s’isoler, se couper des autres, ils susciteraient la méfiance, voire l’hostilité.

Tête du Chant du départ de Rude
Tête du Chant du départ de Rude
Discret mais remarquable
Discret mais remarquable

Un autre danger menace la villa : la densification et le fractionnement des terrains, entrainant le rétrécissement des jardins et la disparition progressive des arbres, mesures proposées par ceux qui trouvent qu’elle consomme trop d’espace. Ils n’ont pas compris que sans espace, sans arbres, sa fonction et son âme disparaissent. En pensant être modernes, ils risquent de tuer la poule aux œufs d’or. Ne l’oublions pas, la villa, par sa qualité architecturale et paysagère, par son agrément et par la fierté qu’elle génère chez son propriétaire, attire une clientèle dynamique et fortunée. Elle fait vivre autour d’elle des architectes, des décorateurs, des paysagistes, des jardiniers, des artisans de qualité, des traiteurs et restaurants, etc.

Pour la beauté et l’avenir économique d’Arcachon, souhaitons longue vie à nos villas.

Francis Hannoyer

La Villa