La mode des fausses ruines est une des caractéristiques de l’architecture pittoresque. Dans le jardin anglais, les grottes et cascades côtoyaient les fausses colonnades antiques ou les fausses ruines néo-gothiques. Le néo-gothique, en particulier, s’adaptait bien au Romantisme et à la réhabilitation du Moyen Age.
Les « Ruines » constituent le plus beau représentant de cette mode à Arcachon et un des témoins du caractère très moderne de l’architecture arcachonnaise de l’époque.. C’est un antiquaire parisien, Paul Brianne, qui a fait construire cette fausse ruine néo-gothique située sur la dune de Pontac. C’était en réalité une villa confortable. Du haut de la tourelle, on dominait le quartier d’Eyrac et la vue sur le Bassin devait être remarquable. La tourelle, les vitraux des fenêtres, le cloître néo-gothique, la grande cheminée médiévale du salon et le mobilier enchantaient les visiteurs. Quinze cartes postales différentes de la villa auraient été réalisées à l’époque. La romancière Anaïs Nin, personnalité marquante de la littérature du 20ème siècle, a habité les Ruines et en parle dans son Journal.
Les Ruines ont été construites en 1899 par les frères Pauchot, des rocailleurs (fabricants de fausse rocaille) installés à Bègles, dans la banlieue de Bordeaux, avant de rejoindre la région parisienne où leur entreprise a prospéré.
Les frères Pauchot, particulièrement créatifs, avaient déposé un brevet et en exploitaient plusieurs autres. Les murs étaient composés de ciment, armé de fer rond ou de grillage. Coloré de la couleur de la pierre, le ciment imitait parfaitement celle-ci.
La technique des frères Pauchot était excellente. Leur autre réalisation de ce type, l’imposant château néo-gothique de Lattainville, dans l’Oise, construit à la même époque, a été endommagé par des bombardements lors de la dernière guerre, mais est toujours en bon état et habité.
Les Arcachonnais ne se sont malheureusement pas rendus compte qu’ils possédaient un véritable monument historique susceptible d’intéresser de nombreux touristes. Faute d’entretien, la villa s’est dégradée. Les ferrailles des Ruines, en rouillant, font éclater le ciment. La végétation a envahi la villa. Achetée par un promoteur arcachonnais, cette réalisation très novatrice va irrémédiablement disparaître. Ne vous en approchez pas, la chute d’une plaque de ciment peut se produire à tout moment.
Francis Hannoyer