L’architecture balnéaire du 19ème siècle – en art, ce siècle s’arrête en 1914 – appartient au mouvement « pittoresque », c’est à dire : « susceptible de fournir un sujet de tableau, de charmer les yeux et l’esprit ». Voila qui décrit parfaitement cette architecture.
Elle est apparue au 18e siècle en Angleterre et les Anglais l’ont nommée ainsi. Le terme est peu utilisé en France ou chacun choisit un nom souvent peu adapté : balnéaire, belle époque, composite . . .
Elle n’est pas uniquement balnéaire, on la retrouve également dans les villes d’eau, en périphérie des villes dans les résidences secondaires, même si ce terme n’était évidemment pas utilisé à l’époque. Elle est apparue un siècle avant la Belle époque et s’est poursuivie ensuite.
Pour la comprendre, il faut regarder l’ensemble constitué par la villa au milieu du jardin comme une mise en scène, un merveilleux décor de théâtre conçu pour surprendre le visiteur, l’enchanter.
Cette mise en scène est le fruit de plusieurs facteurs :
Le développement des chemins de fer et de l’industrie entraîne celui d’une grande bourgeoisie très cultivée qui prend progressivement le pouvoir en remplacement de la noblesse.
Cette bourgeoisie affirme sa culture par la liberté de son éclectisme, le recours aux matériaux modernes, mais souvent un certain conservatisme des formes architecturales lié au désir de se rapprocher de la noblesse.
Deux doctrines architecturales s’affrontent :
– le néo-classique, dont les constructions sont d’un seul bloc, est financièrement économique, mais donne une faible liberté de fonctionnement et de circulation
– le néo-médiéval, composé de plusieurs volumes juxtaposés, plus original mais plus coûteux et donnant une plus grande liberté par ses galeries et ses vérandas
Une compétition amicale oppose les voisins, chaque villa reflétant le statut social et la culture de son propriétaire. Cette émulation entraine une remarquable collaboration entre les architectes et leurs clients et produit une recherche architecturale facilitée par l’apparition de nombreuse revues spécialisées. Les volumes se juxtaposent avec des décrochements de toits. Une abondante décoration d’épis de faîtage, lambrequins, dentelures, céramiques est soulignée par la multiplication des matériaux et le contraste des couleurs.
L’intérêt pour l’Histoire de France s’accompagne du développement des fouilles archéologiques, de l’Histoire de l’art et d’une redécouverte du Moyen Age. La réhabilitation du Gothique, considéré auparavant comme barbare, va se traduire par des tourelles, des charpentes apparentes, des pans de bois, des vitraux et de nombreuses formes médiévales.
L’évolution urbaine de la société et le développement du Romantisme provoquent un désir de Nature qui s’exprime par l’utilisation des matériaux locaux traditionnels, l’implantation de la villa au milieu du jardin, le développement d’espaces intermédiaires entre la maison et le jardin comme les bow-windows, les belvédères et les vérandas.Les plantes grimpantes sur les façades et la création de jardins anglais avec leurs gloriettes, leurs grottes, leurs bassins enjambés par de petits ponts répondent au même désir.
Les ouvertures sur l’extérieur correspondent aussi à un souci d’hygiène et de « bien-être » en faisant entrer dans la villa la lumière et l’air pur. L’hygiène sera un souci fondamental de la deuxième moitié du 19ème siècle
La mécanisation et la fabrication industrielle vont abaisser les coûts de construction, rendant la construction de villas accessible aux nouvelles classes sociales. Les progrès techniques considérables sur la fabrication de matériaux comme le fer ou le verre vont se traduire aussi par des formes nouvelles comme les marquises, par l’architecture métallique présente à Arcachon dans l’observatoire Sainte Cécile, mais aussi dans les charpentes métalliques de villas ou l’ossature des bow-windows.
Le ciment armé apparaît, surtout sous forme de garde-corps imitant les branches d’un arbre, mais aussi de villas comme « Les Ruines« .
Le confort moderne se développe : chauffage central, salles de bains avec eau chaude, éclairage au gaz .
L’aménagement intérieur, beaucoup plus fonctionnel qu’aux siècles passés, est adapté aux nouvelles exigences de la clientèle : une villa néo-médiévale possèdera souvent une salle à manger néo-gothique, un salon louis XV, un fumoir mauresque.
Ne l’oublions pas, cette architecture aux apparences traditionnelles se veut résolument moderne et novatrice.
Francis Hannoyer