Dans les dernières années du 19ème siècle apparaîssent au Pays Basque des villas inspirées des maisons traditionnelles de la région. Ce n’est pas un phénomène isolé, des villas équivalentes se construisent dans le Pas de Calais et en Bretagne. La Côte normande avait légèrement précédé les autres.
Influencés par la tendance anglaise qui s’intéresse à la maison rurale, des architectes proposent à leurs commanditaires de rompre avec le style pittoresque présent de la Baltique à la Méditerranée et de construire des maisons mieux intégrées dans le paysage régional. Le principe est d’utiliser des matériaux locaux et des formes adaptées au climat local, mais aussi de limiter la décoration extérieure.
Le projet est en conformité avec les idées éclectiques de l’époque, les villas construites les premières années passeront quasiment inaperçues. C’est le cas, par exemple à Cambo de la villa Arnaga, celle d’une personnalité pourtant très en vue : Edmond Rostand.
Après la première guerre mondiale, cette évolution va rencontrer, entre autres, un écho chez ceux qui cherchent des solutions aux tensions de l’époque dans un repli sur les valeurs traditionnelles incarnées par la province.
Au Pays Basque, un contexte culturel très fort, renforcé par la publication en 1897 de Ramuntcho, le roman de Pierre Loti, crée un environnement favorable à la construction de villas néo-basques. La première guerre mondiale, qui va appauvrir les Français, rend par ailleurs nécessaire le développement d’une architecture moins coûteuse qui permettra également de s’adresser à une clientèle plus large.
Le succès du style néo-basque sera remarquable et se développera bien au delà du Sud-Ouest dans un cadre de pins maritimes, celui des Landes. Sous une apparence relativement traditionnelle et rassurante, qui convenait bien à la France de l’Entre-deux-guerres tiraillée entre conservatisme et modernité, va apparaître une architecture adaptée aux besoins de villégiature du 20ème siècle.
Le modèle principal sera la métairie du Labourd, la partie maritime du Pays Basque français.
Grâce à quelques caractéristiques principales, les villas sont reconnaissables du premier coup d’œil :
– la structure unitaire de la construction, relativement parallélépipédique par comparaison à la juxtaposition des volumes du « pittoresque ».
– le mur pignon, traditionnellement sur les petits côtés de la métairie, qui passe pour des raisons esthétiques sur les grands côtés de la villa.
– la toiture de faible pente à deux pans.
– la fréquente dissymétrie, l’un des pans de la toiture étant plus long que l’autre, donnant une silhouette caractéristique à la villa. Ce n’était pas une règle traditionnelle mais cela résultait souvent d’un agrandissement de la maison
– les pans colorés qui structurent le haut des deux pignons. Traditionnellement, seul le pignon Est, abrité de la pluie, en comportait.
– les volets en bois et les jardinières de fleurs de la même couleur que les pans
– les murs blanchis à la chaux, au dessus d’un socle en pierre éventuel.
– la simulation des ouvertures triangulaires qui permettaient d’aérer le foin placé dans le grenier de la métairie.
Quelques villas s’inspireront de constructions landaises et en particulier de la maison rurale de la Grande Lande, secteur qui correspond à peu près au centre et au nord du département des Landes. Une décoration de brique située entre les pans comme à Beau-Séjour, des pans sur la totalité de la hauteur, la présence d’un emban, seront les principaux signes caractéristiques de ces villas. La séparation entre néo-basque et néo-landais n’est pas vraiment nette, cela explique le terme de « basco-landais » fréquemment utilisé pour désigner l’ensemble.
A Arcachon, principalement dans le quartier des Abatilles, mais aussi tout autour du Bassin, le style basco-landais se développera surtout à partir de 1925 et continuera après la deuxième guerre mondiale. L’Arcachonnais d’adoption Louis GAUME fut le principal concepteur d’un style néo-basque de qualité intégré dans un environnement de pins maritimes. Ses villas sont remarquables par la justesse des proportions. Pyla sur mer est sa grande réalisation, mais il a beaucoup construit aussi à Arcachon. De grands architectes comme Jacques D’WELLES réaliseront quelques constructions remarquables, l’ensemble de La Dune en est un des plus typiques.
La métairie du Labourd ayant été abondamment utilisée, la maison traditionnelle d’une autre région basque, la Basse-Navarre, servira dans une deuxième période de variante. On reconnait facilement cette inspiration aux entourages en pierre ou aux simples linteaux, en grès rose ou en bois, des portes et fenêtres. Les murs sont en principe blanchis à la chaux, les pans de bois sont absents. Plus dépouillé, l’aspect est plus moderne. Rikitea en est le meilleur représentant à Arcachon.
En examinant les villas, le promeneur notera aussi des éléments rappelant la proximité de l’Espagne ou la mode Art Déco qui eut son apogée entre les deux guerres mondiales comme le style néo-basque.
Celui qui ne pénètre pas dans la villa ne peut pas toujours deviner le caractère novateur de cette architecture. Elle transparait dans l’utilisation de matériaux modernes dont l’étanchéité a permis toutes les orientations, mais aussi dans l’augmentation de taille des baies vitrées favorisée par le chauffage et les vitrages isolants. L’organisation intérieure de la villa s’est adaptée aux modifications sociologiques du 20ème siècle. La cuisine, où la maitresse de maison est de plus en plus présente, quitte définitivement le socle pour se fixer à l’étage noble, le hall d’entrée disparaît fréquemment pour se confondre avec une vaste salle de séjour.
Le style basco-landais s’est progressivement éloigné de la tradition, gardant quelques signes forts permettant de l’identifier au premier coup d’œil, mais, en un siècle, est apparue une véritable architecture moderne et évolutive dont le succès montre que les notions de terroir, de nature, de vacances, qu’elle véhicule sont en harmonie avec l’image et la réalité de notre région. C’est la raison de son succès.
Ne le dénaturons surtout pas avec des décorations fantaisistes issues de l’architecture pittoresque.
Francis Hannoyer