Contrairement à une croyance largement répandue, l’utilisation du fer en architecture est très ancienne. Chez les Grecs, non seulement chaque pierre du chainage était reliée à la voisine par des pièces métalliques, mais de véritables semelles permettaient de répartir les fortes charges sur une plus grande surface. Le métal n’était jamais apparent.
Qui sait également que les ogives de nos cathédrales gothiques étaient quelquefois renforcées par des tiges ou que la Sainte Chapelle de Paris est, depuis l’origine, cerclée de trois ceintures métalliques destinées à compenser l’absence d’arcs-boutants.
La métallurgie du fer progressa, en effet, fortement au 12ème siècle en Europe, permettant une plus grande production, et joua un rôle dans la construction de nos cathédrales. Les bas-fourneaux consommaient beaucoup de bois. Le déboisement de nos forêts qui en résulta dut être fortement limité au 13ème siècle et freina le développement du fer.
Au 18ème siècle, la découverte du coke et les travaux scientifiques de savants comme Réaumur permirent enfin l’apparition d’une production industrielle de fonte, de fer et d’acier. Pour faire face à la demande liée à la construction de ponts et à la mise en place de réseaux de chemins de fer, la production se développa. Les prix baissèrent fortement, l’architecture métallique pouvait naître.
En 1776, commença en Angleterre la construction de l’Iron Bridge, un pont routier métallique qui enjambait à 30 mètres de haut la vallée de la Severn. Les pièces étaient en fonte moulée. En 1801, Bonaparte décida la construction de la passerelle des Arts, traversant la Seine en face du Louvre. Les pièces étaient également en fonte. En 1806 à Paris, le même Napoléon Bonaparte fit reconstruire en fer la coupole de la Halle aux Blés dont la charpente en bois avait brulé. C’était le premier bâtiment de ce type en France et l’ossature de fer était visible.
Les constructions se multiplièrent ensuite avec la serre mexicaine du Jardin des Plantes en 1836, puis les halles Baltard et de nombreux autres bâtiments. La plupart étaient abondamment décorés de motifs traditionnels, la fonte se prêtant bien au moulage de pièces sculptées.
La contruction la plus prestigieuse fut la Tour Eiffel, inaugurée en 1889. A Londres en 1851, Crystal Palace fit une remarquable démonstration des possibilités de l’architecture métallique modulaire
Ce que l’on sait moins, c’est que ce développement s’accompagna tout au long du 19ème siècle de violentes polémiques entre les partisans, essentiellement des ingénieurs, et les adversaires, architectes et artistes, du métal visible.
– Les partisans, dont l’un des chefs de file était Viollet le Duc, voulaient créer une architecture plus « nerveuse », plus légère, où la structure était visible. Viollet le Duc affirmait d’ailleurs en1872 : « Tout ce qui cache la structure est décadent ». Gustave Eiffel fut, bien entendu, un des personnages importants de cette tendance.
– Les adversaires, composés de nombreux architectes et artistes regroupés autour de l’Académie des Beaux-Arts, leur reprochaient d’être matérialistes, car proches de l’industrie. Certains craignaient même la disparition de la pierre en architecture. Ils préconiaient de cacher l’armature métallique derrière une enveloppe de matériaux traditionnels. Ils furent des opposants acharnés de la Tour Eiffel, même après sa construction, et essayèrent de la faire démolir.
A Arcachon, il n’y eut apparemment pas de polémiques. Un polytechnicien talentueux, Paul Régnault, fut à la fois paysagiste, ingénieur et architecte. A la demande des frères Péreire, il conçut la Ville d’Hiver, en dessina les 40 premiers « chalets » et le Casino Mauresque. Il dirigea aussi, avec l’aide d’un jeune assistant nommé Gustave Eiffel, la construction de l’Observatoire Sainte Cécile et de la passerelle Saint Paul, la passerelle métallique qui relie à 15 mètres de haut le sommet du Truc de Peymaou au reste de la Ville d’Hiver.
Le progrès technique était bien accueilli à Arcachon, le fer se développa largement. Malgré la démolition de la belle halle métallique du marché, le métal est encore partout. Les charpentes métalliques des villas et l’armature des bow-windows ne sont pas apparents. Les grilles de balcon ou de clôture en fonte, les grandes vérandas, les marquises, les gloriettes, l’Observatoire et la passerelle sont bien visibles. La construction la plus intéressante est certainement la villa Hamlet construite en acier en 1894. Nous en parlerons plus abondamment dans une prochaine chronique.
Francis Hannoyer