Une banale pièce de charpente peut-elle devenir un élément décoratif tellement apprécié qu’il sera utilisé dans des styles architecturaux successifs ? La réponse est évidement positive et la démonstration en a été remarquablement faite à Arcachon par des architectes très créatifs. L’aisselier en est un bon exemple.
Son nom est peu connu, il est pourtant ancien puisqu’on le retrouve dans des textes depuis le 12e siècle, l’aisselier, lui-même figurant sur des dessins datant de l’âge du fer.
C’est une pièce inclinée qui sert à rigidifier une charpente dont certaines poutres horizontales fléchiraient sous le poids. Il les soutient en les reliant à d’autres poutres ou à un mur et est, par exemple, utilisé, en soutien d’un avant-toit ou un balcon.
Lorsqu’il n’est pas visible, il est droit, brut de sciage, mais à Arcachon, s’il est apparent, il devient un objet de décor, un élément du style architectural.
Il est sobre par principe dans le style néo-basque et il contribue ainsi à la beauté de l’ensemble, la villa bien connue Les Abatilles nous en montre un bon exemple.
Il se prête aussi à la variété et les constructions pittoresques nous en offrent une gamme remarquable et surprenante par son ampleur.
Examinons d’abord les plus simples :
Sur Jeanne-Marie, rue des Mérics, dans le quartier de l’Aiguillon, un simple aisselier droit, à peine décoré, prend du relief grâce au contraste de couleur avec les deux briques qui le soutiennent.
Sur Picciola ou sur Castera, on comprend bien que le contraste de couleur entre le mur et l’aisselier est essentiel pour le mettre en valeur
Le contraste de couleur est également très net sur Brise ou des aisseliers symétriques se détachent bien sur le fond blanc et donnent une belle esthétique et un rythme à cette modeste construction.
Mais les aisseliers du 13 rue Coste nous montrent en plus que la courbure du bois peut donner une impression de mouvement : comment ne pas penser à un hippocampe bien droit ou un serpent prêt à bondir ?
Les aisseliers peuvent aussi être perforés comme sur Bianca ou le 66 boulevard de l’Océan
Ils peuvent supporter des bois découpés sur Brémontier, Toledo et beaucoup d’autres
Les aisseliers doivent être en harmonie avec les éléments voisins. C’est le cas de Toledo dont les bois découpés sont remarquables ; c’est aussi le cas sur la villa Les Palmiers où ils soutiennent un balcon en ciment armé dont le garde-corps imite les branches d’un arbre.
Il faut par ailleurs regarder l’effet que l’ensemble des aisseliers produit sur l’esthétique générale d’une villa et là s’expriment les intentions et le talent de l’architecte. Deux exemples nous le montrent bien.
Sur Saint-Gilles, ils ont été multipliés et étirés dans le sens de la hauteur, certainement pour accentuer les lignes verticales de la tourelle-belvédère et la distinguer du reste de la villa qui est à peine plus bas.
Sur certaines villas comme Saint-Christau, ils sont encore plus nombreux et leur répétition, en alternance avec des motifs de céramique, donne un rythme qui plait à notre œil.
Cette multiplication des aisseliers est fréquente, en particulier sur les tourelles. Ce n’est certainement pas un hasard et on peut se demander si ils n’évoquent pas les mâchicoulis des tours médiévales. Réveillent-ils chez nous, peut-être inconsciemment, des images de châteaux, de princesses racontées dans notre enfance ? Au 19e siècle, dans un contexte de redécouverte du Moyen-âge, c’était certainement le cas et cela l’est sans doute encore pour nos enfants.
Nous aurions pu vous en présenter plus de cinquante autres, tellement ils sont variés. Alors, découvrez-les vous-mêmes et, quand vous vous promenez dans Arcachon, regardez bien les aisseliers, vous découvrirez des richesses qui vous étaient inconnues.
Si vous avez la chance d’en avoir sur votre villa, entretenez-les soigneusement, il vous le rendront bien.
Francis Hannoyer