
N°28 – Avril 2025

ÉDITO
Nous remercions tous ceux, nombreux, qui nous soutiennent par leur cotisation ou leur don exceptionnel.
L’évolution de la démographie, le surtourisme et les locations précaires nous imposent collectivement des problématiques cornéliennes.
Comment conserver intact le bonheur de vivre familial que la Ville d’Arcachon a toujours su offrir à ses administrés, résidents ou visiteurs ?
A cette qualité de vie s’associe irréductiblement la qualité architecturale d’exception de l’une des plus belles stations balnéaires françaises.
Et pourtant, malgré toutes nos demandes, les plus pressantes, aucune mesure réglementaire forte de protection ne vient concrètement faire échec à la pression foncière et aux velléités toujours plus grandes de privilégier l’économique au détriment du Patrimoine et du Bien commun.
C’est ainsi qu’en dépit de déclarations de campagnes qui n’engagent que …. nombre de villas traditionnelles ont disparu ou sont défigurées par des travaux ou abattages d’arbres qui n’auraient jamais dû être autorisés.
L’honnêteté et l’élégance commandent de dire que nous sommes tous collectivement responsables de cette banalisation lente d’une culture et d’un site de grande exception, laissant place à une station touristique destinée uniquement à faire croître son chiffre d’affaires sous les objectifs avides de quelques tabloïds.
Mais notre devoir impérieux est de nous insurger et de combattre.
Sans règles, il n’y a pas de libertés, en l’occurrence celles de conserver Tradition, Culture et Patrimoine d’Exception pour pouvoir les transmettre à nos enfants vers un avenir confiant. Pour ce faire, l’ASSA œuvre dans bien des domaines :
- suivi des permis de construire, déclarations préalables et abattages d’arbres,
- contentieux divers destinés à préserver des villas traditionnelles et des arbres, et à faire échec à des projets avilissants le site ou tout simplement illicites,
- contentieux destiné à préserver la richesse scientifique d’Arcachon : la Société Scientifique d’Arcachon implantée à Peyneau depuis 1843,
l’adaptation des règles d’urbanisme aux nouveaux enjeux : la création de « Sites Patrimoniaux Remarquables » (SPR),
- le suivi des documents d’urbanisme : le Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT), adopté le 6 juin 2024 à la suite de l’annulation du précédent à la demande de la CEBA dont l’ASSA est membre,
- le suivi des pollutions du Bassin et des parcs ostréicoles par les eaux usées gérées par le SIBA, ce qui a nécessité le dépôt d’une plainte pénale,
- la participation à de nombreuses instances participatives via la CEBA : Conseil Maritime de Façade, Comité Consultatif de la Réserve du Banc d’Arguin, déchets ménagers au niveau de la COBAS, usine de Smurfit-Kappa, plate-forme de Villemarie, Conseil de Développement, Plan préventif de submersion marine, la Forêt Usagère, la Grande Dune du Pilat (et les campings)…
Ainsi, l’ASSA a son mot à dire sur de très nombreux sujets qui font la vie de chacun, les abattages d’arbres, l’urbanisme, la qualité des eaux du Bassin, la pollution, l’assainissement et les réseaux d’eaux usées et pluviales, les ensablements, les déchets, le surtourisme, les locations saisonnières, les nuisances diurnes et nocturnes, les survols d’avions, les jet-skis, les dispositifs musicaux sur les bateaux, la circulation des navettes dans les zones de mouillage, les vitesses des navires, le patrimoine culturel et scientifique … Nous vous remercions de votre soutien pour que l’ASSA puisse remplir pleinement sa mission avec le maximum d’efficacité.
Si vous n’étiez pas encore à jour de votre cotisation, nous vous remercions de votre soutien en :
- renouvelant votre adhésion ou d’adhérer par l’envoi d’un chèque de 25 € (ou davantage) à l’ASSA, MA.AT, Esplanade Georges Pompidou, 33120 Arcachon (cf. formulaire en annexe),
- incitant vos amis arcachonnais à adhérer en leur transmettant l’adresse mail de l’ASSA : contactassa33120@gmail.com
(https://www.sauvegarde-arcachon.org)
Nous aurons le plaisir de vous accueillir lors de notre Assemblée générale annuelle, qui aura lieu le vendredi 25 juillet 2025 à 9 h 30, Salle des Réservoirs, 8 Allée José Maria de Heredia à Arcachon.
D’ici-là, n’hésitez pas à échanger avec nous : contactassa33120@gmail.com et à nous adresser vos suggestions ou alertes.
Jacques STORELLI, Président
ENJEUX PATRIMONIAUX
L’impérieux devoir de nous adapter et de faire face
Le Bassin d’Arcachon offre à ses résidents et visiteurs un « coefficient du bonheur » devenu légendaire.
Qualité de vie, climat, gastronomie, offre culturelle et sportive, mobilités, participent au magnétisme qui nous vaut tant de succès, voire un peu trop…
La partition, arbres, mer, sable… fédère tous les sentiments les plus profonds, dont celui de faire partie d’un monde originel, esthétique, protecteur et nourricier.
C’est pour préserver ce Bien Commun d’exception que nous nous engageons toute l’année.
Mais tout change très rapidement dans un monde si fragile, courtisé ou convoité.
On peut citer les incendies, la pollution du Bassin par les eaux usées, la hausse des températures de l’eau, la mortalité des huîtres et la baisse de la ressource halieutique, la forte contraction du Banc d’Arguin, le recul du trait de côte, la hausse du niveau de l’eau, les risques de submersion marine, le manque d’eau potable, et une urbanisation- artificialisation galopante.
Quelques points de repère :
- il a fallu faire annuler judiciairement le Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT) en 2015, document maître « chapeautant » tous les PLU de l’Arrondissement, pour enrayer la mise en coupe réglée des espaces naturels ; le nouveau SCOT de juin 2024 ne fait guère mieux et les associations de la CEBA, dont l’ASSA, en demandent l’annulation,
- les débordements, volontaires ou non, des eaux usées gérées par le SIBA (12 communes) ayant provoqué depuis 2021 de graves pollutions et intoxications humaines, ont obligé l’ASSA et la CEBA, entre autres, à déposer plainte entre les mains du Procureur ; des gardes à vue et auditions des responsables s’en sont suivies,
- des constructions non autorisées, un parking illégal de 70 places, une modification du profil dunaire et la construction sur les parcelles d’autrui, dans la zone des campings située derrière la Dune, en site classé et en zone rouge, ont obligé la CEBA à réagir, ce qui a donné lieu à la suspension des travaux et à la pose de scellés,
- le dépassement des seuils de prélèvement d’eau potable fixés par l’État nécessitent également une action pénale,
- de nombreux contentieux d’urbanisme sont en cours, et notamment à Arcachon :
- des arbres sont sacrifiés, ici et là, et notamment pour un projet de logements sociaux Rue Méran,
- le Musée-Aquarium et la Station Marine sont menacés par deux permis de démolir, pour y installer un imposant hôtel 5 étoiles de plus, lequel va largement empiéter sur la Rue du Docteur Jolyet et la Place Peyneau que la municipalité vient de déclasser du domaine public routier…
- la demande d’annulation du permis de construire ayant permis la reconstruction de l’Hôtel des Vagues est toujours en cours devant le Tribunal administratif
Cette liste, loin d’être exhaustive, montre qu’il est nécessaire, plus que jamais, de faire face et d’agir.
Jacques STORELLI
Gestion de l’eau
Depuis décembre 2013, il se dit n’importe quoi sur la gestion de l’eau. Il est intéressant de relever l’une des remarques du président du SIBA concernant la capacité de l’installation de traitement des eaux usées sur le bassin : en effet à la question « le système de traitement des eaux est-il suffisamment dimensionné pour accueillir 40.000 personnes résidentes de plus sur le Bassin » la réponse a été : « bien sûr que oui les stations d’épuration sont calibrées pour répondre à cet objectif ; d’ailleurs en été la population quadruple et le système assure un fonctionnement de qualité ». C’est oublier un paramètre essentiel, le problème de gestion des eaux usées ne se résume pas à la capacité cumulée des stations d’épuration, mais à la capacité de chacune de traiter les effluents amont et surtout à la capacité des canalisations de recueillir les débits d’eau envisagés. Et c’est sur ce point que le problème se pose : lors des évènements de décembre 2023, la capacité des réseaux à absorber les volumes d’eau grossis par les eaux de pluie n’a pas suffi, en dehors du fait que les bassins de retenue se sont trouvés saturés, les canalisations n’ont pas pu recevoir les débits d’eau concernés. Les débordements sur le flan Est du bassin ont été nombreux et les habitants de ces secteurs se sont retrouvés les pieds baignant dans les eaux brutes. La question posée vis-à-vis de l’objectif du SCOT de 40.000 habitants supplémentaires n’est donc pas réglée par la réponse du président du SIBA. Tant que ces questions ne seront pas résolues, il sera impossible d’envisager une augmentation de 30 % de la population du Bassin. A ces questions on pourrait en ajouter une autre, le SCOT prévoit 1.000 hectares environs à échéance 2040 de zones naturelles transformées en zones à bâtir ; mais où se situeront ces extensions urbaines qui vont conditionner la création de nouveaux réseaux d’assainissement et la nécessaire révision du réseau existant ?
Philippe BOURGEOIS
La Fondation du Patrimoine
La Fondation du patrimoine permet aux collectivités mais aussi aux particuliers de concrétiser leurs projets de restauration. Pour les maisons privées d’Arcachon, la délivrance d’un label par la Fondation permet aux propriétaires éligibles de déduire fiscalement et partiellement leurs travaux.
L’ASSA a rencontré le 23 janvier 2025 Madame Anne Leroy, Déléguée territoriale de la Fondation du patrimoine en charge du secteur du Bassin d’Arcachon. La Fondation, créée en 1996 et reconnue d’utilité publique en 1997, dispose de très peu de fonds propres. Elle intervient en mobilisant mécènes, entreprises, donateurs individuels et partenaires publics. Elle accompagne la restauration du patrimoine local, bâti, non bâti ou naturel qu’il soit public ou privé, protégé ou non protégé. Le patrimoine, c’est notre cadre de vie, notre avenir, et c’est l’affaire de tous.
En Aquitaine (Gironde, Dordogne, Landes, Lot-et- Garonne et Pyrénées-Atlantiques), la Fondation appuie son action sur un réseau de près de 50 bénévoles qui œuvrent chaque jour à la préservation de ce patrimoine de proximité. Ainsi, chaque année, la Délégation Aquitaine accompagne plus d’une centaine de projets de restauration privés, publics et associatifs. La délégation Gironde est animée par le délégué départemental M. Christian Tilleau et par les délégués territoriaux.
Chez nous, sur le Bassin, la Cabane Tchanquée numéro 3 est désormais indissociable de la Fondation puisque c’est la reconstruction de la Cabane Tchanquée qui a été sélectionnée en 2023 par la Fondation pour le loto du patrimoine. Au-delà de l’attribution de 160.000 € par la Mission Patrimoine, la Fondation a organisé et géré une collecte populaire de dons qui a permis de mobiliser autour de 150.000 €. La Cabane restaurée a été inaugurée en juin 2024. Les membres de l’ASSA peuvent signaler à notre secrétariat d’autres éléments de patrimoine naturel ou bâti public que la Fondation pourrait accompagner. Renforcer l’accompagnement de la Fondation pour protéger le patrimoine naturel et la bio-diversité constitue l’un de ses objectifs de 2025.
Outil méconnu, le label délivré par la Fondation permet à des propriétaires privés, après étude de leur dossier, d’obtenir une déduction de 50% des travaux de restauration de leur revenu imposable. Cette déduction peut même aller jusqu’à 100% si le propriétaire peut mobiliser une subvention d’au moins 20%. Le bien doit être non protégé, visible depuis la voie publique et le projet présenter un intérêt patrimonial. Il est certain que beaucoup d’habitations à Arcachon pourraient profiter de ce label. La localisation d’un bien dans le périmètre de la Ville d’Hiver qui est classée n’interdit pas la délivrance d’un label, si la maison n’est pas protégée à titre individuel.
La Fondation dispose d’un portail Internet accessible aux particuliers où vous pouvez découvrir la diversité des projets patrimoniaux, souscrire une adhésion à la Fondation ou directement verser un don aux nombreuses collectes en cours sur le territoire girondin ou au-delà :
https://www.fondation-patrimoine.org/ Anne LEROY, Fondation du Patrimoine
Bilan de la conservation des Arbres à Arcachon en 2024
- Le domaine privé :
– 110 Déclarations préalables ont été déposées en 2024 sur le site municipal de publication des actes administratifs.
– 186 abattages demandés – dont 108 Pins (80 pour Scolytes)
Seuls 16 cas ont été refusés, pour état sanitaire satisfaisant.
Le déboisement porte donc sur 170 Arbres en 2024, pour 96 en 2023 et 110 en 2022, soit une centaine par an, hors Scolytes.
Les motifs de ces coupes ne sont pas toujours déclarés et l’ASSA doit les réclamer ; le service ne répond plus depuis Janvier 2024. La motivation est généralement légitime : mortalité naturelle ou parasitaire, mais bon nombre révèlent des négligences d’entretien (fils électriques, toitures, racines), un manque de prédictibilité de croissance à la plantation ou des stratégies d’anticipation pour une constructibilité future.
Certains abattages sont liés à des chantiers. Moins nombreux, ils restent difficiles à comptabiliser. Cela exige un examen attentif de tous les dossiers d’Urbanisme ainsi qu’un déplacement sur site pour repérer les abattages autorisés et ceux qui auraient échappé à la perspicacité des instructeurs dans la phase d’exécution.
Une plainte de l’ASSA au Procureur portant sur des abattages illicites dans le cadre d’un chantier fait actuellement l’objet d’une enquête pénale.
Les abattages sauvages sont difficiles à déceler ; le rôle du voisinage, sensible à la dégradation de son environnement, est déterminant.
S’agissant des piscines, vingt créations ont été accordées dans l’année, par Déclaration préalable ou Permis de construire. La mairie semble y être favorable.
Pourtant, le risque d’abattage induit, plus ou moins furtif, de grands arbres, est très élevé, bien que non autorisé au PLU. La mortalité est immédiate par l’excavation qui déborde largement du périmètre défini au plan de masse.
Cette mortalité est parfois différée par l’effet de la destruction racinaire profonde et la compression du sol par les engins de travaux.
Six créations de piscines ont été refusées en raison des abattages que cela impliquerait, dixint les pétitionnaires, ainsi que des risques d’atteintes racinaires, ce qu’il faut saluer.
Mais trois cas ont été autorisés comportant des abattages.
Quelques demandes ont été refusées, pour des coupes “de sécurité” ou “de propreté” à proximité de piscines existantes, dont deux pins surplombant le bassin.
Une surveillance rigoureuse des autorisations et de leur exécution s’impose.
Le coefficient d’espace-vert peut être réduit.
Les incidents de chantier (troncs et racines non protégés) sont parfois suivis de demandes secondaires d’abattage. Les risques de chute restent de la responsabilité du maître d’œuvre et non de la Mairie.
Des coupes non autorisées sont parfois observées en cours de chantier. En ce cas, l’ASSA dépose des plaintes au Procureur avec copie à la Mairie.
La “compensation” par replantation de jeunes sujets n’est pas effective en terme de masse végétale, perdue pour 30 ans, ce qui ouvre le débat sur le calibre des plants ou sur l’utilisation d’espèces à croissance rapide…
Les nombreuses coupes autorisées pour cause de construction posent un problème de fond au regard du réchauffement climatique, à l’heure où de nombreuses villes plantent des arbres et créent des “Ilots de fraîcheur”.
L’ASSA déplore par principe les coupes de grands arbres (Chacun équivalent à 10 ou 15 climatiseurs). Actuellement : 18 Arbres sont sacrifiés pour le projet de la Rue Georges Méran, 25 à la Station marine, et 6 gros pins parasols Rue du Pr. Jolyet.
L’ASSA demande au Tribunal administratif d’annuler ces trois projets.
Mais il faut souligner que, depuis peu, on observe une nette évolution des décisions municipales dans le sens de la protection végétale.
Cette tendance vertueuse s’accompagne d’une abondante médiatisation sur la protection environnementale et le développement durable, ce qui ne saurait déplaire en période pré-électorale…
Il conviendra d’être vigilant par la suite.
- Domaine public et forêts
Label Forêt d’exception / Îlots de fraîcheur / Jardin partagé / École de la forêt (occasion de faire réfléchir sur les espèces à introduire) / etc.
Une véritable avalanche de dispositions écologiques accompagnées d’une communication « tendance » vient saturer la communication du moment.
Pourtant, derrière les beaux discours, ce qui saura nous protéger, ce sont des actes forts pour l’avenir et celui de nos enfants.
A titre d’exemple, l’ONF travaille concrètement sur la biodiversité avec mélange des espèces replantées : Pins + Arbousiers + Chênes-verts, disposés en îlots protégés par des ganivelles, mais toujours pas de Chênes-lièges, malgré leur intérêt avéré dans la projection climatique de type méditerranéen qui nous est promise.
* Les attaques de Scolytes sont en nette régression : on déplorait quatre générations annuelles en 2022, pour trois en 2023 et deux en 2024.
La surveillance est essentielle, en particulier l’évacuation des piles de bois à bref délai.
Des pièges à émergence ont été placés par l’INRAE dans la forêt communale de La Teste. On craint le réveil du stock des parasites hivernants (50% de survivants) à partir de la température de 15 degrés.
* En Front de Mer : Tous les palmiers (bien connus pour leur sensibilité accrue aux maladies) ont été abattus pour mortalité.
On compte 22 arbres abattus, tous replantés (20 Tamaris et 2 Chênes-verts) par des baliveaux chétifs, porteurs d’espérance !
*Boulevard de la plage: un seul grand arbre reste visible + 12 replants + 5 lauriers roses + îlots de fraîcheur couverts.
La dernière plaquette municipale dédiée à l’environnement projette de réaliser un plan de gestion spécifique des arbres et une “charte de l’arbre”.
Pour bien faire, ces bonnes résolutions devraient s’accompagner d’une désartificialisation active des sols, comme cela se pratique ailleurs.
Vincent MERLAUT
La grotte
Il y avait sans aucun doute, au 19ème siècle, de nombreuses grottes dans les jardins d’Arcachon, elles n’étaient évidemment pas naturelles, alors pour quelles raisons les avait-on construites ? Comment expliquer cette abondance ?
Pour le comprendre, il faut remonter le temps.
La relation entre l’homme et la grotte est très ancienne et plus complexe qu’on ne croit.
Les hommes préhistoriques l’ont utilisée comme abri pour se protéger des prédateurs et du froid ; ce n’était pas sans danger car les ours les appréciaient aussi et les mauvaises surprises devaient être fréquentes.
Les peintures retrouvées sur les parois sont peut-être des œuvres d’art, si cette notion existait déjà à l’époque, mais beaucoup montrent que les grottes avaient surtout un rôle religieux où des chamans se livraient, sans doute, à des rites plus ou moins secrets : exorcismes, malédictions, initiations, etc.
La grotte avait parfois un rôle funéraire, comme en témoignent les squelettes enterrés en position caractéristique, quelquefois dans des bauges d’ours, cavités peu profondes creusées par ces animaux au fond des grottes pour y hiberner.
De cette période, pleine de dangers, date sans doute notre peur ancestrale face aux cavités sombres et pleines d’inconnu des grottes, des souterrains ou des gouffres.


Dans l’antiquité, la grotte abri se perfectionne grâce aux outils métalliques et un habitat troglodytique se développe en complément des habitations en pierre, brique ou bois.
Les grottes naturelles sont vues surtout comme le siège des divinités. En Grèce, les grottes d’où coulait une source étaient considérées comme sacrées et des sanctuaires y étaient parfois aménagés ; on les appelait des nymphées, allusion à leurs principales occupantes. La grotte où la nymphe Calypso retient le roi Ulysse pendant sept ans, ou celle habitée par le cyclope Polyphème, sont des exemples bien connus. Plus récente, celle de Bethléem correspond à la même région méditerranéenne, mais la sacralisation du monde souterrain se retrouve sur plusieurs continents. Dès le 3ème siècle avant notre ère, apparaissent en Égypte des grottes artificielles consacrées à des dieux; cette mode se diffuse autour de la Méditerranée et nombre d’entre elles sont construites dans des jardins, notamment à Rome.
Les grottes funéraires coexistent avec les tombes. Le cas particulier de la Vallée des Rois en Égypte, où des pharaons sont inhumés dans des galeries creusées dans le roc, est destiné à éviter le pillage trop facile des pyramides des dynasties précédentes.

Au Moyen-âge, l’abri troglodytique se développe en occupant les carrières de pierre et parfois l’ensemble devient un village fortifié. Mais la grotte naturelle, outre sa fonction de cave pour conserver le vin et les aliments, garde surtout son rôle religieux : elle devient l’habitat de nombreux ermites vénérés ; puis un culte s’y développe. Le nombre en France de « grottes sacrées » en est la trace.
Ce fait n’est pas limité au monde chrétien : en 610, c’est dans la grotte de Hira, située près de La Mecque, que Mahomet aurait reçu la révélation d’Allah.
On trouve aussi, à cette époque, des grottes légendaires attribuées aux fées, aux korrigans et autres lutins. La grotte funéraire semble alors avoir disparue.
De même, les grottes artificielles sont absentes dans les jardins, à l’exception des grottes aux surprises du jardin de Hesdin où des automates arrosaient les visiteurs ; l’objectif n’était ni esthétique ni religieux, mais de se divertir et de montrer les capacités des automates hydrauliques découverts par les Européens lors des croisades.
La Renaissance italienne, qui redécouvre l’Antiquité et influence progressivement toute l’Europe, voit se multiplier les grottes artificielles dans les jardins des rois et des princes. Elles rivalisent par leur architecture, leur décoration de statues, de jeux d’eau dans un bassin, quelquefois de rocaille, de coquillages, de céramique, mais beaucoup ne ressemblent plus du tout aux grottes naturelles. On parle à nouveau de nymphée mais ce mot correspond au bassin accompagnant une grotte ou une fontaine.
En revanche, le jardin chinois, qui existait au moins depuis l’Antiquité, acquiert une dimension esthétique à l’époque de notre Renaissance. Mystique à l’origine, censé représenter le monde et favoriser la méditation, il donne une grande importance à l’eau, aux îles, à la montagne, souvent représentée par des amas de rochers formant une grotte. Plein de symboles, très organisé, mais devant donner l’apparence de la nature, une nature idéalisée, ce jardin chinois va être à la base du jardin anglais. Article du site de l’ASSA : Jardins Anglais

Les 18ème et 19ème siècles, très imprégnés de romantisme, vont multiplier les jardins anglais avec leurs grottes artificielles, souvent associées à une cascade. En Gironde, celles du Parc de Majolan sont les plus spectaculaires.
A Arcachon, c’était le jardin qui correspondait le mieux à l’architecture pittoresque et la grotte en était sans doute le symbole le plus représentatif.


Le Parc Mauresque en a une, mais celle qui y est actuellement paraît modeste pour le magnifique parc décrit dans les journaux de l’époque. Un ouvrage publié dans les années 1860 sur Arcachon parle « des grottes moussues, des rochers énormes, des cascades étincelantes ». La restauration de la grotte avait été demandée en conseil municipal en décembre 1896. Nous n’en avons pas de photo et nous n’en savons pas plus.
De nombreuses villas en possédaient certainement une, mais beaucoup ont, sans doute, été détruites lors des divisions des grands terrains initiaux ; cela a certainement été le cas du jardin anglais de Nelly Deganne qui faisait face au château.
Il reste cependant les cabines de bains en forme de grotte de la villa Les Lotus, mais aussi l’entrée, déguisée en grotte du sous-sol de la villa Constantine côté plage, des restes dans le jardin de Vincenette et sans doute quelques autres.


On pourrait croire que la grotte, avec ces histoires d’ours, de nymphes, de fées, est dépassée, il n’en est rien et sa force émotionnelle est intacte, elle représente, sans doute, dans notre imaginaire la nature sauvage, brute inquiétante, mais aussi le merveilleux, le fantastique, peut-être chez certains le sacré. Sa vue fascine et suscite l’imagination.
Dans le monde entier, elles sont protégées car elles attirent toujours les touristes. Préservons soigneusement celles que nous avons.
Francis HANNOYER
Prochaines visites patrimoniales
Nous avons le plaisir de vous annoncer les prochaines visites :
Le Parc des Abatilles et l’allée des Tilleuls le lundi 26 mai : départ à 14h30 avenue du Parc en face de l’entrée du Tennis club. Durée 1h30 environ.
La partie nord du Moulleau le lundi 16 juin : départ à 14h30 devant Notre-Dame des Passes. Durée 1h30 à 2 h.
Nous vous rappelons que ces visites sont gratuites, ouvertes à tous et que vous pouvez y venir avec des amis. Il n’est pas nécessaire de s’inscrire.
Renseignements auprès de Francis Hannoyer (06 28 07 42 12)