Certains Arcachonnais n’en ont jamais entendu parler alors qu’elle a été importante dans notre histoire et la majorité des autres pensent qu’elle a disparu depuis longtemps.

C’est la plus ancienne construction existante au Moulleau et l’une des dernières cabanes de douane situées sur la côte Atlantique, la plupart des cabanes côtières ayant été emportées par les tempêtes ou l’érosion des plages.

La cabane actuellement
La cabane actuellement

La date de sa construction est inconnue, elle est mentionnée à partir de 1833 dans des compte–rendus de promenade et devait être alors très récente. Aucun document ultérieur ne parle de sa reconstruction ou de son agrandissement. Il s’agit donc vraisemblablement de la cabane d’origine.

L’Administration des Douanes avait été créée en mai 1791 en remplacement du système des Fermiers Généraux dont l’une des principales tâches était la perception de la gabelle, l’impôt sur le sel, d’où vient le nom de gabelous souvent utilisé pour les douaniers. La présence de marais salants à Certes avait entraîné la présence de nombreux gabelous sur le Bassin d’Arcachon où la contrebande de sel et de tabac était très importante.

Au début du 18ème siècle, il existait un corps de garde à la « Pointe Sud » (au Petit-Nice), la cabane du Moulleau provient peut-être d’un dédoublement de ce corps de garde. A l’époque, le terme de Pilat était peu précis, notre cabane sera d’ailleurs située au Pilat dans les documents douaniers jusqu’en 1896.

Les douaniers surveillaient la côte et patrouillaient sur leurs chevaux ou leurs mules le long de la plage, secouraient éventuellement les naufragés mais étaient aussi appelés en cas de feu de forêt, ou pour faire respecter la limitation du ramassage des huitres et des pétoncles édictée en 1840.

Ils devaient aussi soigner leurs montures et assurer toutes les tâches ménagères.

Vers 1850, la douane avait été réorganisée, la brigade du Moulleau, comme ses voisines de la Pointe Sud et du Moueng (actuellement l’Aiguillon) dépendait de la Lieutenance de La Teste.

Elle comptait 4 douaniers dont un brigadier, auxquels s’ajoutaient les chevaux mais plus probablement des mules et deux bêtes au pacage, sans doute des vaches, pour améliorer l’ordinaire. Un puits d’eau douce, situé à quelques mètres, existe toujours mais il a été comblé.

La façade sud, le puits et la borne
La façade sud, le puits et la borne

La cabane du Moulleau eut son heure de gloire lorsqu’elle servit de repère pour fixer la limite entre La Teste de Buch et la nouvelle commune d’Arcachon en 1857. On raconte que Napoléon III lui-même aurait tiré un trait de crayon sur la carte entre la pointe de l’Aiguillon et la cabane. En fait, elle était trop grande pour servir de repère, une borne en pierre a été posée et existe toujours.

Le dernier document mentionnant la présence de douaniers date de 1926, la cabane sera achetée peu après par Jean-Baptiste, James Veyrier-Montagnères qui avait été maire d’Arcachon de 1897 à 1922 et intégrée à sa propriété de Risque Tout. Elle appartient toujours à sa famille.

Contrairement aux villas du front de mer, évidement tournées vers la plage, la cabane est tournée vers le sud où se trouve son entrée, c’était le côté le plus agréable pour des douaniers y habitant toute l’année.

Elle était certainement blanche à l’origine, la chaux naturelle étant l’enduit le plus courant dans nos régions, mais comme on le voit sur le tableau de Jean Léo Drouyn, a été peinte en rose aux alentours de 1900. C’était certainement un rappel de la couleur rose ou orangé des « Abris du Marin » bretons, les fameux « abris côtiers », dont le rôle était d’aider les marins en difficulté ou âgés. Cette couleur était sans doute destinée à signaler la cabane aux marins ayant fait naufrage dans les Passes.

Comme dans les maisons traditionnelles de notre région où la pierre est rare, les murs extérieurs et le mur séparant les deux pièces principales ont été construits d’une ossature de colombages et d’un remplissage de torchis composé de paille, d’argile et de sable. Le torchis, utilisé en Europe depuis le Néolithique est un très bon isolant thermique et phonique, avantage important en bordure de plage. Sa réparation est facile à faire et était quasiment toujours réalisée par les occupants.

Les autres cloisons sont en bois. Le chauffage était assuré par une cheminée située dans la pièce centrale, il était indispensable pour conserver au sec la poudre et les armes mais, bien entendu, pour y vivre et faire cuire les aliments. La cabane a manifestement été bien construite avec des matériaux de qualité, elle était certainement assez confortable.

La cabane, peinte en 1922
La cabane, peinte en 1922

L’écurie était à l’intérieur, côté ouest, et pouvait abriter au maximum deux mules. La réserve de paille et de foin ainsi que l’armurerie étaient certainement aussi de ce côté.

La façade ouest, côté plage
La façade ouest, côté plage

Les murs nord et ouest, les plus soumis aux intempéries, ont été reconstruits en dur vers 1960 en conservant rigoureusement les dimensions initiales et les huisseries d’origine, les autres façades n’ont pas été modifiées. A l’intérieur, on retrouve sur certaines pièces de bois la trace des scies à main utilisées à l’époque.

Une fenêtre ancienne de belle qualité
Une fenêtre ancienne de belle qualité

Visible de la plage, bien entretenue et toujours solide malgré son âge, la cabane des douaniers est un élément important de notre patrimoine arcachonnais.

Francis Hannoyer

 

La cabane des douaniers