Le Conseil d’Etat vient de rendre une décision de non-lieu à statuer au motif que le chantier serait achevé.

Pourtant le pourvoi de l’ASSA date du 24 mars 2023… lequel fut dirigé contre une ordonnance de référé du 9 mars 2023 ayant refusé la suspension du permis de construire modificatif du 1er décembre 2022.

Plus d’une année pour juger, en référé, de la nécessité de suspendre ou non un chantier en cours, consiste pour l’institution judiciaire à prendre le risque d’arriver “trop tard”.

C’est bien le cas en l’espèce, et force est de constater que le temps judiciaire est loin de cadrer avec le temps de la sécurité juridique auquel sont en droit de prétendre les justiciables.

Lors de la séance du Conseil d’Etat tenue le 14 mars 2024, le Rapporteur public a conclu au non-lieu à statuer sur le pourvoi de l’ASSA.

Il a rappelé que lorsque les travaux autorisés par le permis étaient exécutés, le référé suspension était privé d’objet, de sorte que l’achèvement des travaux de gros œuvre et d’aménagements auxquels le permis se rapporte pouvait conduire à un non-lieu.

Il a considéré qu’en l’espèce, le bâtiment était hors d’eau et hors d’air, que les murs et le toit étaient achevés, en évoquant les photos issues du constat du 2 octobre et du mois de décembre, et a ajouté que la circonstance que l’ouvrage n’ait pas encore été ouvert au public était sans incidence.

Une note en délibéré a été déposée pour préciser que les aménagements extérieurs doivent, selon la jurisprudence, être terminés, et notamment les sols, ce qui ne ressort pas des pièces produites, dont un constat d’huissier.

C’est dans ces circonstances que le Conseil d’Etat a jugé le 5 avril 2024 :

  1. Il ressort des pièces des dossiers, notamment des éléments produits par la commune d’Arcachon, que la construction du bâtiment autorisée par le permis de construire litigieux est désormais achevée. Il en résulte que les présents pourvois sont devenus sans objet. Il n’y a, dès lors, plus lieu d’y statuer.

D E C I D E :

Article 1 er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions des pourvois de l’association de sauvegarde du site d’Arcachon et de M. Peyrelongue dirigées contre les ordonnances du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux en date du 9 mars 2023 et du 10 mai 2023.

Si le chantier ne sera donc pas suspendu, en dépit de tous les efforts déployés par l’ASSA et la famille Peyrelongue (villa mitoyenne), l’essentiel n’a pas encore été jugé, c’est à dire la validité du permis de construire.

Le Tribunal administratif de Bordeaux a été saisi d’une demande d’annulation du permis en date du 30 janvier 2023 ce qui laisse augurer une décision dans le courant de l’année 2024.

Si le permis devait être finalement annulé, la démolition pourrait être demandée, en considération de l’article L. 480-13 du Code de l’Urbanisme qui prévoit des dérogations au principe de l’interdiction de démolition, notamment en zone littorale :

« Lorsqu’une construction a été édifiée conformément à un permis de construire :

1° Le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l’ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative et, sauf si le tribunal est saisi par le représentant de l’Etat dans le département sur le fondement du second alinéa de l’article L. 600-6, si la construction est située dans l’une des zones suivantes : (…)

  1. d) La bande littorale de cent mètres mentionnée aux articles L. 121-16, L. 121-17 et L. 121-19 ; »

C’est dans ce contexte que l’ASSA œuvre de plus fort pour que la justice administrative annule le permis litigieux et en tire toutes les conséquences.

En outre, le fait de ne pas avoir fait suspendre la démolition non autorisée, et constitutive d’une infraction pénale, dixit la municipalité, peut être génératrice de responsabilité pour carence fautive.

L’ASSA s’engage auprès de tous les Arcachonnais pour que tout soit entrepris jusqu’au bout pour que le Front de mer ne soit pas défiguré.

Elle remercie à nouveau tous ceux qui ont soutenu ses actions devant les tribunaux.

L’affaire est loin d’être terminée.

A Arcachon

Le 9 avril 2024

J. STORELLI

Président ASSA

 

Décision du Conseil d’Etat du 05 avril 2024