C’est un des éléments décoratifs les plus fréquents à Arcachon mais sans doute un de ceux dont on parle le moins, sans doute parce que la plupart des Arcachonnais n’en connaissent pas le nom.
Rappelons par un schéma simple ses principaux composants : les arbalétriers, le poinçon, les jambes de force appelées aussi contrefiches et l’entrait.
De nos jours, les fermes sont généralement cachées par les pignons mais, au Moyen Âge, de nombreuses fermes étaient visibles car les murs étaient souvent composés d’une ossature apparente en bois, on parle alors de pans ou de colombages. Dans les régions océaniques comme la nôtre, les toitures débordaient souvent du toit pour protéger des intempéries ces pièces de bois. Il était tentant d’en profiter pour décorer le pignon avec une ferme apparente, mais ce n’était pas très facile, notamment à cause de l’entrait qui barrait littéralement le pignon.
Les variations possibles permettaient cependant de mettre en valeur la maison et donc son propriétaire.
Les arbalétriers étaient plus ou moins inclinés selon la région mais variaient peu, le poinçon était souvent prolongé en épi de faîtage, mais la principale variation était la présence d’un entrait retroussé, c’est-à-dire relevé, qui facilitait l’aménagement des combles et, aux extrémités, leur ouverture par une fenêtre, éventuellement la pose d’un motif décoratif.
A Arcachon, les chalets de la première époque pittoresque, avaient besoin de décoration pour faire oublier la simplicité de leur forme. La ferme débordante à entrait retroussé accompagnée de bois découpés leur convenait parfaitement, d’autant plus que celle-ci avait un rôle purement décoratif, les pannes, éventuellement renforcées par des aisseliers, suffisaient à soutenir la toiture. Le gros entrait bas pouvait être supprimé, le problème esthétique était résolu. Des bandeaux en bois, faciles à changer, protégeaient de la pluie les arbalétriers et un peu les bois découpés, c’était bien étudié.
Vers 1880, de nombreux chalets en bois vont de couvrir de murs en pierre ou en briques, la décoration devient plus importante, les premières fermes vont devenir plus complexes et souvent se relier à d’autres éléments.
Pour évoquer l’architecture médiévale, les nouvelles villas de style pittoresque composées de juxtaposition de volumes vont comporter aussi des fermes débordantes. Les architectes vont rivaliser d’imagination : les pièces de charpente se courbent, se dédoublent, . . . en mettant en valeur les pignons portant une fenêtre ou le nom de la villa.
On pourrait s’imaginer au vu des photos précédentes que les belles fermes sont l’apanage des grandes villas prestigieuses, ce n’est pas la réalité car on en trouve aussi sur les petites, notamment dans le quartier de l’Aiguillon. Il faut s’y promener pour en découvrir les richesses.
Si la ferme débordante est une caractéristique importante de l’architecture pittoresque, on l’observe également dans le style basco-landais, essentiellement dans la version néo-landaise où elle protège l’estantad de la pluie. Elle est alors assez simple puisque son rôle est d’évoquer les constructions agricoles de la Grande-Lande. La ferme latine est celle qui correspond le mieux à cet objectif.
Il nous reste le cas du décor de bois ou de ciment plaqué sur la façade des villes néo-basques. Ce décor imite les fermes des maisons traditionnelles à ossature bois comportant un remplissage de torchis, il n’a aucun rôle porteur, on parle alors de « fausse ferme ».
La ferme, qu’elle soit « fausse » ou débordante, a conquis Arcachon. La plupart des immeubles récents en possèdent d’ailleurs une, même si les proportions de celles-ci sont souvent mauvaises.
Si votre villa en possède une belle, entretenez la bien. Si vous remplacez le bandeau en bois par un autre matériau plus durable, mettez un bandeau d’une seule pièce, ce sera beaucoup plus beau et plus fidèle à la conception initiale.
Rappelez-vous que l’originalité et la beauté de votre ferme participent beaucoup à l’image de votre villa et donc à la vôtre.
Si elle a disparu, essayez de retrouver une photo ancienne pour restituer l’état d’origine et rappelez-vous que la plupart des belles villas d’Arcachon ont fait l’objet de cartes postales, il est possible d’en obtenir des copies.
Francis Hannoyer