Certains d’entre nous l’ignorent mais ils ont un trésor dans leur jardin, un trésor appelé Leugèir (prononcez Leougey) en Gascon et dont l’origine dans la région remonte à l’ancienne forêt de l’ère tertiaire, il y a soixante millions d’années, même si des zones ont été, à certains moments, envahies par les dunes et si les
glaciations ont évidemment entraîné des évolutions.

Présent surtout autour de la Méditerranée et dans le sud de la côte atlantique européenne, le chêne liège, c’est de lui qu’il s’agit, avait certainement été favorisé par l’homme pour ses grandes qualités. Il était très fréquent dans notre région où il constituait de véritables forêts, appelées suberaies, car il affectionne les climats doux, les sols pauvres et sablonneux, non calcaires. Il ne craint pas les embruns, résiste bien au froid jusqu’à -10 à -15°, mais aussi à la sécheresse grâce à sa racine pivotante capable d’aller chercher l’eau en
profondeur.

Il peut être très majestueux, sa hauteur, fréquemment de 20 mètres, a déjà atteint 43 m et s’il ne vit qu’environ 200 ans actuellement, son record est de 800.

Chêne liège Brémontier

Allée Brémontier : des branches tortueuses sur l’un des plus beaux chênes liège d’Arcachon

Son port majestueux lorsqu’il a la place de s’étendre, ses branches souvent tortueuses, son écorce tourmentée et ses belles couleurs automnales ont toujours provoqué l’admiration. Il est également remarqué pour l’abondance de ses différents hôtes : de nombreux oiseaux, dont les mésanges, et des écureuils qui apprécient ses glands très énergétiques, notamment en hiver.

Ces glands, consommés par les hommes depuis la nuit des temps, le sont toujours au Maroc et en Algérie mais ont progressivement été abandonnés en Europe au profit d’autres fruits comme les châtaignes et limités à l’alimentation animale, surtout celle des porcs. Ils sont, notamment, une des bases de l’alimentation du fameux « Pata negra », le porc ibérique aux sabots noirs, dont le jambon est mondialement connu.

C’était un arbre vénéré depuis la haute antiquité, les Grecs et le Romains, qui avaient remarqué sa beauté, pensaient que chaque chêne liège abritait une nymphe, une hamadryade, qui se réfugiait sous son écorce, dansait autour de lui et mourait avec lui lorsqu’il était abattu.

hamadryade

De tout temps les hommes ont attribué au liège, son écorce, de nombreuses propriétés médicinales. Très astringent, il était utilisé, entre autres, contre les hémorragies. On a trouvé aussi des restes d’objets très anciens en liège à Babylone, en Chine, en Égypte . . .

Il était très apprécié dans nos campagnes pour fabriquer de nombreux objets comme les chaussures, grâce à ses qualités isolantes ou pour boucher des récipients. Les marins en faisaient également grand usage comme flotteur. C’est encore un matériau très utilisé de nos jours, entre autres pour ses qualités isolantes et son faible poids.

Le 19e siècle a été très néfaste pour le chêne liège en Gascogne, l’hiver très rigoureux de 1830 a tué de nombreux arbres et, contrairement à de nombreuses régions, les subéraies ont presque toutes été supprimées lors de l’extension massive du pin maritime. Le Conseil Général des Landes, conscient des risques d’incendie à venir, avait fortement conseillé en 1857 et en 1876 de maintenir les chênes lièges au milieu des plantations de pins, il n’a pas été écouté et les incendies de forêt ont été dramatiques. L’actualité récente montre que le danger persiste de nos jours.

Chêne_liège_Festal

Lorsqu’il n’est pas exploité, le liège présente sur l’arbre un aspect irrégulier très décoratif

Grâce à son écorce isolante, le chêne liège résiste bien au feu et est un des premiers arbres à repartir après un incendie. Ses feuilles, en tombant, forment un humus fertile qui favorise la régénération de la forêt, il a aussi un important rôle de protection grâce à la richesse de biodiversité qu’il abrite.

On trouve encore quelques suberaies dans le Marensin autour de Soustons et en Lot et Garonne à l’ouest de Nérac mais, dans le reste de la région, on ne rencontre plus que des arbres isolés, témoins de l’ancienne forêt. C’est le cas à Arcachon, particulièrement en Ville d’Hiver où leur beauté les a protégés.

Vous pouvez essayer d’en planter mais l’échec est fréquent. La meilleure solution est de faire germer un gland dans un pot, puis de le replanter dans l’année au bon endroit et d’attendre . . .

Chêne liège Branly

Avenue de la Mer, un détour du mur de clôture a permis de sauver l’arbre. Bravo !

Surtout, si vous avez la chance d’en posséder un dans votre jardin, n’y touchez que le moins possible car chaque branche coupée est une blessure. Dégagez-le des arbres voisins au fur et à mesure de son développement et broyez ses feuilles à la tondeuse en les laissant sur place. Vous ne le regretterez pas, sa beauté, l’abondante vie qu’il abrite et la légende de son hamadryade feront votre joie et celle de vos enfants.

Francis Hannoyer

Ceux qui désirent approfondir ce sujet pourront consulter, entre autres, sur Internet  :

Le chêne liège