Ces épis qui font la fierté de leurs propriétaires ne sont pas uniquement décoratifs. C’est une solution très ancienne pour assurer l’étanchéité lorsque plusieurs arêtes du toit se rejoignent.
Au début du Moyen Âge, la plupart des maisons simples ont des toits à deux pans comme sur les maisons traditionnelles bretonnes et les cheminées sont situées en bout sur le pignon, l’épi n’est donc pas nécessaire.
Ils sont donc surtout présents au Moyen Âge sur les maisons nobles, fabriqués essentiellement en plomb car ce matériau était réservé à la noblesse jusqu’au 15ème siècle. Ils étaient quelquefois surmontés d’une girouette, cet emblème leur était également réservé jusqu’à la Révolution.
Si la terre cuite existe depuis la préhistoire, nous ignorons l’époque où les épis en terre cuite sont apparus en France. Quelques morceaux de deux épis datant de la période gallo-romaine ont été retrouvés à Périgueux et dans les environs, ils ressemblaient aux poteries de cette époque et on suppose qu’un pichet renversé servait habituellement pendant la construction à protéger le poinçon, la poutre verticale dans laquelle s’encastraient celles de arêtes. Ce pichet serait sans doute l’origine de l’épi en terre cuite.
Le plus ancien dont nous connaissons bien la forme est représenté sur la tapisserie de la reine Mathilde brodée dans la deuxième moitié du 11ème siècle, il a la forme d’un simple pot en terre retourné.
Au 15ème siècle, apparaissent les épis en terre cuite vernissée ou en faïence émaillée et ils vont se développer dans de nombreuses régions avec une fonction décorative évidente. Ceux du Pays d’Auge en Normandie sont les plus réputés, ils sont composés de plusieurs pièces de couleurs souvent différentes et embrochées sur une tige métallique.
Sa pose marquait autrefois la fin de la construction du manoir ou de la maison de maître et était l’occasion d’une fête. De nombreuses interprétations religieuses ont été données : l’épi serait un lien entre la terre et le ciel, la boule de certains symboliserait le soleil. D’autres y voient un symbole phallique, sorte de porte bonheur apportant la fertilité, la prospérité. N’oublions pas qu’avoir des enfants étaient la solution la plus simple pour survivre pendant la vieillesse lorsque la pension de retraite n’existait pas. Le modèle le plus fréquent, la pomme de pin, se retrouve dans toute la moitié sud de la France, c’était un symbole de fertilité.
Il pouvait aussi être un emblème montrant l’appartenance à une profession, une catégorie, ou encore une affirmation des idées du propriétaire, . . .
A la Révolution, de nombreux épis et girouettes qui symbolisaient trop visiblement les privilèges de la noblesse seront détruits.
Par contre au 19ème siècle, la baisse des coûts liée à la fabrication industrielle, le retour aux matériaux régionaux et la demande de décoration du style pittoresque vont entrainer un essor important dont nos épis sont les témoins.
Les épis décoratifs deviennent très variés au 19ème siècle, allant de la simple boule ou la pomme de pin à des motifs en forme de vases, d’animaux ou de personnages. Ils pouvaient quand même avoir un sens symbolique, la cigogne était, par exemple, censée favoriser une nombreuse descendance, il en existe plusieurs à Arcachon.
Surtout ne les supprimez pas, faites-les remettre en place si vous faites des travaux et remplacez ceux qui sont cassés car ils sont un élément essentiel de l’originalité de votre villa. De nombreux artisans en fabriquent de nos jours, vous trouverez des photos de leurs plus belles réalisations sur Internet. Allez les voir, c’est un vrai régal.
Francis Hannoyer