C’était une plante sacrée chez les Romains : la déesse Cardea s’en servait, paraît-il, pour éloigner les sorcières et cette réputation s’est sans doute poursuivie en Afrique du Nord car les Berbères en planteraient encore pour éloigner les démons. C’était aussi un symbole d’éternité grâce à son feuillage toujours vert.
Plus prosaïquement, le poète romain Virgile loue ses nombreuses propriétés et le savant romain Pline l’Ancien vante, entre autres, sa grande résistance à l’incendie. Les Espagnols l’honorent aussi puisqu’il figure en bonne place sur le blason de la ville de Madrid. Comment pouvons-nous négliger un si précieux végétal ?
L’arbousier est surtout un arbuste particulièrement décoratif. Ses branches deviennent tortueuses avec l’âge et certaines, en s’allongeant à l’horizontale, se prêtent bien à la réalisation d’allées couvertes ou de zones romantiques dans un jardin. L’arbousier donne d’ailleurs, quand on bloque sa croissance, de superbes bonsaï. Les tiges de l’année sont d’un joli rouge. De plus, l’arbousier porte en automne les fleurs blanches de l’année mais aussi les fruits de l’année précédente qui virent progressivement du jaune au rouge. Son feuillage persistant, vert brillant sur le dessus, plus clair dessous, est enfin magnifique au soleil.
Il existe en fait une vingtaine d’arbousiers, le plus grand atteignant 40 mètres de haut dans l’Ouest américain. Le nôtre, Arbutus Unedo, est présent autour de la Méditerranée et sur la côte atlantique de l’Espagne à l’Irlande. Il affectionne particulièrement les sols sableux, supporte assez bien les embruns chargés de sel et résiste bien au vent.
A Arcachon, c’est un arbuste quasiment idéal. Il ne nécessite ni taille ni engrais et, s’il vaut mieux protéger les pieds jeunes, les pieds âgés endurent sans problème le froid jusqu’à -15°C. Grâce à sa racine pivot qui descend à une dizaine de mètres, il est peu sensible à la sècheresse. Il est enfin très résistant aux maladies, même dans les sols pauvres de notre région où il vit jusqu’à deux cents ans et peut atteindre huit mètres de haut.
Les arbouses étaient très appréciées à Arcachon au 19ème siècle sous forme de confiture et le commerce en était florissant. Presque oubliées dans notre région qui bénéficie de nombreux autres fruits, elles sont encore récoltées en Espagne pour faire des sorbets, au Portugal de l’eau de vie, en Corse des confitures, du vin d’arbouses et de l’eau de vie.
L’arbousier, encore très présent naturellement dans les quartiers des Abatilles et du Moulleau, est malheureusement en régression à Arcachon. Les horticulteurs lui préfèrent souvent des arbustes étrangers à la région, donc plus fragiles et supportant moins bien les alternances de sècheresse et de fortes pluies caractéristiques du Sud-Ouest.
L’arbousier fait partie de notre patrimoine naturel, si riche mais si menacé. Plantez-en dans vos haies pour les égayer et n’oubliez pas que les plus belles haies s’obtiennent en mélangeant des arbustes différents. L’arbousier, si on le laisse grandir, est également idéal pour créer une zone ombragée bien utile en été.
N’hésitez pas, c’est actuellement la meilleure saison pour le planter.
Francis Hannoyer