
Cette promenade est incontestablement la préférée des Arcachonnais et des touristes. Il y a peu de villas à proximité et pourtant, quelle que soit la saison ou l’heure du jour, on y croise des personnes qui courent, qui font de la bicyclette, qui promènent leur chien ou simplement arpentent la promenade. L’hiver, le moindre rayon de soleil y attire les promeneurs et il est difficile d’y faire une photo sans personne au premier plan.
La raison de cet engouement est simple : quelle que soit la direction dans laquelle nous regardons, nous nous sentons en pleine nature, cela déclenche chez nous des émotions variées, du plaisir, voila pourquoi nous trouvons que c’est beau. La sensibilité de l’homme face au spectacle de la nature fut une des grandes découvertes du 18ème siècle et révolutionna l’esthétique. Le jardin anglais et le romantisme résultèrent, entre autres, de cette découverte. Le désir de nature n’a pas diminué depuis, c’est un des fondements de l’attrait d’Arcachon.
Même si la promenade a été créée en 1978, la beauté du lieu ne date pas de cette époque puisque sa moitié sud a été classée en 1936 et l’autre inscrite en 1943 au titre des sites naturels.
Côté mer, le cri des mouettes et les odeurs marines complètent la vision et nous font vraiment ressentir la nature, même si la plage est régulièrement nettoyée et ré-ensablée chaque année. Les vagues ne sont jamais très méchantes, le banc de Bernet, découvert à marée basse, constitue un plan intermédiaire dont les courbes répondent à celle du rivage, la presqu’ile du Cap-Ferret en arrière-plan constitue la ligne d’horizon. Cela donne un paysage reposant, rassurant.
A marée haute cependant, les bateaux qui passent plus près, et surtout les jours de vent les planches à voile ou à cerf-volant (kite) offent un spectacle fascinant permettant aux promeneurs de s’identifier à ceux qui passent sur l’eau et d’en partager en partie les émotions.


Côté terre, l’ensemble parait sans ordre apparent. Il a manifestement été conçu par un paysagiste pour donner l’illusion de la nature, mais une nature embellie, la « belle nature » comme on disait au 18ème siècle.
La dune côtière, qui a été nettoyée, donne un arrière-plan aux pentes douces où les pins se détachent sur un tapis d’aiguilles et sur le bleu du ciel dans une harmonie de couleurs tout à fait remarquable.
Au premier plan, le long de la promenade, une pelouse ombragée par endroits de pins parasols, de bouleaux et de muriers platane offre de nombreux contrastes.
Entre les deux, des arbustes variés : tamaris, pittosporum, arbousiers, Eleagnus, etc . . . forment un beau camaïeu de vert près duquel une piste cyclable bien intégrée à l’environnement forme de longues courbes et épouse les ondulations du terrain. Des cheminements piétonniers descendent doucement de la dune et donnent accès à la promenade. Une telle beauté est rare.
L’endroit le plus pittoresque est certainement celui où des arbres fortement inclinés par le vent rappellent aux promeneurs qui l’oublieraient que le rivage n’est pas toujours idyllique mais connait aussi les tempêtes. Le lieu pourrait être terrifiant, sublime, s’il était étendu, si l’environnement était composé de rochers découpés, de souvenirs de naufrages. Dans un lieu si plaisant, cette vision permet seulement de remettre en mémoire quelques images, quelques souvenirs et de susciter des émotions douces, des rêves et de participer au sentiment de beauté dégagé par l’ensemble.
Le promeneur qui essaie d’analyser ce paysage constate d’emblée sa grande unité : tout y est doux, les formes comme les couleurs. Il remarque aussi sa variété de formes et de végétaux augmentée encore par les variations liées à l’heure, la météo, la marée ou la saison. Le spectacle de la nature change ici en permanence. Unité et variété sont, comme souvent, deux composantes essentielles de la beauté de ce paysage.

En se promenant, on se dit que tout est merveilleux, ce n’est pas le cas, le site de la promenade est en danger par suite de quelques interventions inappropriées dans un paysage naturel, mais heureusement réparables :
– Le nettoyage de la dune supprime toute possibilité de régénération. La nature n’est pas un jardin qu’il est possible de gérer à court terme. Le seul moyen de pérenniser les arbres de la dune est d’avoir en permanence plusieurs générations pour remplacer ceux qui vont mourir. Il est urgent de s’en préoccuper.
– Sans doute dans un désir de bien faire, les jardiniers de la Ville ont de plus en plus tendance à tailler les arbustes selon des formes géométriques, des surfaces planes. Cela conviendrait bien à un jardin cultivé à la française pour donner une impression d’ordre, de majesté, mais c’est totalement inapproprié ici dans un site qui se veut naturel. La nature est irrégulière, asymétrique, variée. On peut tailler un arbuste pour limiter son développement, mais il faut ici lui laisser une forme naturelle et surtout éviter de créer une coupure visuelle trop nette entre la dune et la zone arbustive par une haie taillée au cordeau.

– L’équilibre entre les différents arbustes est rompu. Le tamaris, un des plus beaux arbustes typiques des bords de mer, disparait progressivement. L’eleagnus, cette espèce invasive présente partout, se développe au détriment des autres. Certains endroits dégradés ont manifestement besoin d’être redessinés ou réparés.
– Quelques aménagements, heureusement limités, sont peu esthétiques. C’est le cas de la zone de cailloux qui a remplacé les tamaris face à la plage à l’extrémité nord devant Cap Pereire. C’est aussi le cas du skate-board et de sa clôture, situés en plus dans la zone classée.
Limitons au maximum les aménagements dont l’esprit est contraire à celui du site et intégrons-les bien dans le paysage, l’exemple de la piste cyclable montre que c’est possible avec un peu d’imagination. Rappelons-nous que le rêve et l’émotion sont les clés de l’esthétique d’un paysage. Cette promenade est un élément de notre qualité de vie, de notre patrimoine et un atout important pour l’image d’Arcachon, surtout ne la dénaturons pas.
Francis Hannoyer